kino-élucubration n°01 : foutage retrouvé

Les kino-élucubrations, c’est quand je réagis « chaud-froid » à un commentaire énoncé sur le cinéma, et que je n’ai pas souhaité répondre de recta à l’auteur, puisque la nature même de cette réponse est une élucubration de vieux prof de fac qui va faire chier tout le monde. Autant, donc, ne faire chier personne, et la poster sur ce piètre blog.

Un constante dans le Found footage, c’est d’entendre qu’il n’y aurait pas de montage, ou qu’il se distingue par un travail de montage qui se veut réaliste.

Les points de montage sont, dans la très grande partie des cas, omniprésents, afin de rendre présentable une bande filmique à vocation dramatique. Surtout un Found Footage, à vouloir faire « semblant de ». On peut même estimer qu’il y a tromperie sur le montage, quelque soit le film, à partir du moment où un film commercial dure, par convention, 2h, comme si « 2 heures » était l’unique unité de valeur de la dramaturgie cinématographique. Certains s’en écartent, mais c’est pour mieux se distinguer de la production dominante que pour une pure raison technique.

Dans les premiers Found, et surtout, d’ailleurs, dans Cannibal Holocaust, la partie found (2nd partie du film) est en fait une fictionnalisation (séquence montée) d’une séance de derushage menée par les producteurs du film dans le film. Encore moins vrai, en somme,  qu’un Found « natif », prémonté mais uniquement basé sur des plans de caméra diégétique.

C’est à ce titre un des premiers éléments qui pousse le spectateur préparé à un vrai Found footage à se voir sortir de la fiction (à se voir jeter au dehors de l’effet fiction, ce fil sensible qui nous lie intimement avec le film pendant toute sa durée, un peu comme la sonnerie d’un portable, ou un coup de coude de son voisin). On n’assiste jamais vraiment à un derushage devant un Found, mais bien à un montage de rushes qui ne veut pas en avoir l’air. Et on ne charge pas non plus la cassette nous-même… La tromperie est double pour le spectateur, puisque ce n’est donc pas un derushage, mais en plus, il veut faire croire à une espèce de derushage parfait, tourné one-shot.

Ce qui rattrape de ce caractère si factice du Found footage, c’est le constant désir du spectateur, toujours volontaire à cette double tromperie. Il veut se faire double-duper.

Le Found footage tient compte – et c’est sa spécificité en tant que genre – du désir originel du spectateur de cinéma pour l’effet fiction, et même si on lui fait croire à du found, chose à laquelle il veut croire d’emblée, il n’est jamais tout-à-fait dupe du trucage, de la supercherie du discours. Il reste « spectateur de cinéma » et donc cherche à tout prix à jouir du protocole de fiction qui va s’installer quand la lumière de la salle d’éteint et celle du projecteur s’allume.

Alors, Found footage est-il une expression de la spécificité du médium ?

Grand dieu non, mais il faut lui reconnaître cette intention de faire un usage intéressant, non pas tant dans la coupe que dans l’intégration de la caméra dans la diégèse. La caméra est un élément qui existe dans l’univers de la fiction, au même titre qu’un personnage auquel elle est souvent attachée. Ce qui est souvent bien vu, et à mon sens le seul vrai artefact du genre qui vaille d’être souligné. Même si on peut se poser la question dans des films plus traditionnels chez Godard ou Bergman…

La durée du plan, et le rapport nombre de plans par unité narrative n’a finalement que peu d’impact sur la question du Found footage, tant les cinématographies au cours de l’histoire du cinéma ont exploré, des formalistes russes à Belà Tarr (pour ne citer que les premiers exemples qui me viennent en tête), un peu toutes les possibilités de découpage (de l’action dramatique).

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