Kino-élucubration n°05 : Comédie Musicale, Bollywood, Minnelli

Dans ce kino-élucubration, nous allons poursuivre nos questionnements autour de la diégèse, et l’effet que peut avoir celle-ci sur l’attention du spectateur. Nous avons parlé d’Hitchcock et du changement de points de vue dans une même séquence, nous avons parlé du travail formel sur des séquences de climax chez Robert Wise et Michael Mann, nous avons aussi parlé du jeu sur la nature même de la caméra dans The Visit de Shyamalan, autant d’éléments qui posent la question de la continuité et de l’homogénéité du récit filmique, et des différents périls qu’il encourt.

En particulier pour le film noir américain la dernière fois, nous avons essayé de proposer l’idée selon laquelle les effets plastiques/esthétiques expressifs courent le risque de paraître invraisemblables ou irréalistes (les ombres immenses, les jeux de lumière dont la source diégétique est discutable, l’abondance d’effets de halos, etc.), et donc d’être considérées par le spectateur comme les émanations d’une entité a-diégétique (en l’occurrence l’auteur) susceptible de rompre l’effet de continuum de la fiction. Mais ces effets formels n’en constituent pas moins des éléments à vocation narrative, et donnent aussi corps à la dramaturgie cinématographique dans son énonciation formelle.

S’il est un genre qui va nous intéresser aujourd’hui et qui met en péril, de par sa nature même, le nécessaire réalisme/le nécessaire devoir de vraisemblance de la fiction, c’est bien la comédie musicale. Car il est quasiment toujours inconcevable que nous nous mettions subitement à exprimer en chantant et en dansant nos émotions dans la vraie vie. Et il paraît inconcevable, selon la même logique, qu’un spectateur de cinéma daigne s’y attarder. Et pourtant, c’est de ce dispositif dédié à la comédie musicale, dans lequel les acteurs, emprunts de leur émotions, chantent et dansent sur une musique qui très souvent est a-diégétique (dont la source n’est pas incluse dans l’univers de la fiction), que la ténacité du spectateur à s’émouvoir pour l’oeuvre de cinéma est la plus flagrante, du fait des innombrables figures du style qui auraient tendance, selon toute logique, à rompre le fil de la fiction.

En somme, pourrions-nous résumer, la scène chantée et dansée est-elle diégétique ? Est-il acceptable pour le spectateur de se laisser prendre dans le registre de la fiction tout en voyant régulièrement des séquences qui échappent à l’ordinaire et à la vraisemblance. A-t-on jamais vu un lycéen se mettre à chanter et danser en ouvrant l’enveloppe des résultats du Bac, sur une chorégraphie partagée par tous les habitants du quartier, et ce avec une rare maîtrise, et avec une musique qui semble tomber du ciel ?

En apparence, non. Nous ne pourrions nous mettre à danser sur une musique dont on ignore la source, et au cinéma, il nous semble tout aussi irréaliste de le faire, car nous prêtons instinctivement aux univers de fiction les mêmes propriétés physiques que celles qui font le quotidien de notre monde réel. On ne chante pas, on ne danse pas pour exprimer nos émotions, ou alors à huis clos, strictement.

Mais d’une certaine manière, au cinéma, ces séquences chantées et dansées présentent souvent un intérêt pour le récit fimique. Chaque scène chantée et dansée, de par sa densité expressive, se comporte comme un bloc narratif comportant des éléments d’intrigue, et ne pouvant se soustraire à l’ossature dramatique du film. Ne serait-ce que par sa durée et l’emphase qu’il porte au propos tenu, son existence est incompressible, et on ne pourrait donc retrancher celle-ci à la dramatique du film. Sa source, sa logique, sur le plan narratif, se situe bel et bien dans l’univers de fiction.

Prenons un exemple.

Kuch Kuch Hotta Hai, film Bollywoodien de 1998 réalisé par Karan Johar sur une musique de Jatin lalit, réunissant – et révélant au monde entier – Shah Rukh Khan, Kajol et Rani Mukherji. Dans cet exemple, le dispositif est suffisamment simple, limpide et efficace pour être cité en exemple. C’est une histoire d’amour contrariée qui s’étire sur trois heures, durée classique d’une comédie musicale bollywoodienne. Nous découvrons Raul et Anjali, deux amis de lycée qui se disputent. Dans ce premier passage chanté et dansé, ils viennent donc de se disputer, mais se réconcilient tout aussitôt, ils sont connus de tout le lycée pour être les meilleurs amis, et cette amitié est indiscutable.

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Dans l’alternance de plans de cette séquence, on peut distinguer deux grande familles. Les plans où les lignes directrices sont en biais, celles-ci présentent un seul des deux personnages de l’intrigue, et la seconde famille de plans où les lignes de force sont horizontales, et les deux personnages sont réunis.

L’effet, certes simple, est efficace. Alors que le spectateur cherche sans cesse à privilégier l’équilibre visuel au déséquilibre et aux lignes de biais, la séquence finit par produire un discours sur la relation entre les personnages : seuls, ils sont bancals, déséquilibrés, incomplets, en manque de stabilité et c’est leur réunion (dans le même plan) qui permet de retrouver l’harmonie visuelle, l’équilibre. Et cela fonctionne à différentes échelles de plans.

Pour les six minutes que dure cette séquence qui apparaît après 30 minutes de film, l’effet narratif, au-delà du plaisir des chants et de la danse, est indéniable : il inscrit l’amitié et la complémentarité de ces deux personnages de manière forte et durable dans le récit qui se déroule, on ne saurait se passer de cette séquence d’exposition sans perdre au passage l’importance et l’intensité des liens d’amitié qui unissent Raul et Anjali.

On pourrait considérer que de ces effets visuels découle une hyper lisibilité du discours narratif. Et cette hyper lisibilité peut devenir a-diégétique si le spectateur en prend conscience. Tout l’enjeu de la comédie musicale va être de produire des effets narratifs par des biais formels, sans détacher le spectateur de la fiction. Pour l’auteur de cinéma, il faudra se contraindre à un usage maîtrisé d’éléments a-diégétiques tout en parvenant à préserver le fil de la fiction chez le spectateur.

Et parmi les films qui réussissent cela, il faut s’intéresser à Gigi de Vincente Minnelli, sorti en 1958, tourné pour partie à Paris en anglais, avec Leslie Caron, Maurice Chevalier, et Louis Jourdan.

Dans la première partie de ce film – la plus inventive sur le plan formel – au moins trois exemples vont venir nous montrer 1/la maestria de Minnelli pour les effets formels et 2/la grande ténacité du spectateur à désirer le cinéma, à désirer ces mécaniques de récits qui pourtant lui dévoilent sans cesse sa nature d’œuvre « fabriquée », transmédiatique et hautement discursive.

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En ouverture de Gigi, Minnelli choisit d’utiliser un effet puissant provocant généralement la rupture du fil de la fiction, mais, en ouverture du film, on peut imaginer que le spectateur n’est pas encore assez engagé dans l’intrigue pour se laisser détourner du film.

Il s’agit de la l’adresse directe au spectateur. Ici, elle est tenue par un des personnages secondaires de l’intrigue, Honoré Lachaille (joué par Maurice Chevalier). Il présente le cadre de l’intrigue, les beaux quartiers parisiens, les frivolités de l’amour naissant chez les jeunes gens, les errances, la vie, et Gigi, jeune fille à qui nous allons prêter attention pendant les prochaines minutes.

Cette séquence permet de créer une connivence avec le spectateur au travers ce dispositif interactionnel singulier où un personnage de l’intrigue a ce don spécial d’être le seul conscient qu’il est dans un film, les autres habitants de cet univers de fiction ne semblent même pas remarquer la caméra, pas plus que Gigi. Ce qui évidemment perturbe le code tacite du cinéma à ne jamais regarder le spectateur dans les yeux, à ne jamais lui donner l’impression qu’il existe dans leur univers.

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La encore, témoignage de l’ingéniosité à provoquer son spectateur, Minnelli choisit de montrer Gigi, dans cette scène chantée et dansée, courir le long de barreaux en faisant taper son bâton sur chacun d’eux. La source musicale est bien évidemment a-diégétique, mais ce geste à l’écran est calé précisément sur la gamme musicale de xylophone qui se joue, comme si la musique était pour un temps diégétique, comme si elle prenait sa source des barreaux mêmes de ce quartier de Paris.

Là encore, le trouble est évident chez le spectateur, ce brusque changement du code. Le spectateur, et l’auteur, ont tacitement accepté le principe de la comédie musicale à ce stade du film, la musique se doit donc de respecter le contrat, mais finalement non, et Minnelli se joue de lui, de nous.

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Enfin, troisième effet intéressant, également sur le caractère a-diégétique de la source musicale, c’est la scène de l’entrée des couples. La musique est ici diégétique, mais quand l’oncle Honoré Lachaille revient s’adresser au spectateur (après 30 minutes de film, ce qui est une réelle provocation), les yeux vers la caméra, la musique s’atténue, de manière à ce que le spectateur puisse entendre le personnage lui parler. Quelques secondes plus tard, un autre effet tout aussi saisissant vient encore déjouer le principe du tout-diégétique, et surtout, flouer les frontières entre ce qui est de l’ordre de la fiction et du vraisemblable, de ce qui est de l’ordre du discours, de l’effet formel et de l’irréel. Quand les couples qui alimentent les colonnes de l’actualité mondaine arrivent dans ce café, la musique se coupe, s’interrompt, non pas pour laisser parler un personnage, mais pour laisser entendre, en chanson, les pensées les plus dissimulées de tous les personnages réunis dans ce lieu mondain. Et ils déclament alors les rumeurs qui vont bon train concernant ces invités que nous voyons parader à tour de rôle, dont celui de Gaston Lachaille, grand ami de Gigi.

A ces trois moments du film, Minnelli teste et met à l’honneur un élément crucial de la posture du spectateur devant un film de fiction : sa ténacité, sa capacité à faire fi des éléments a-diégétiques disséminés sur la bande filmique, sa détermination à vouloir que se maintienne le fil de la fiction, sa tolérance devant les entraves commises aux codes du cinéma – le respect de la diégèse, ne jamais rappeler au spectateur qu’il est devant un film – , voire même le désir qu’il éprouve à voir du cinéma coûte que coûte/ Ajoutons à cela, sans doute, le plaisir qu’il éprouve à se faire duper, comme s’il se trouvait devant un jeu de piste où il faut déceler les marques d’énonciation d’un auteur de cinéma qui manipule les éléments à sa disposition comme autant de leviers, comme Hitchcock qui se cachait parmi les figurants au détour d’un plan de coupe. Et nous, spectateur, qui acceptons de les suivre dans les méandres de la création cinématographique.

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Kino-élucubration n°04 : Clore, avec Michael Mann et Robert Wise

Pour pouvoir restituer toute l’intensité psychologique qui se joue au terme d’un polar ou d’un film noir, il est souvent nécessaire de trouver l’idée formelle et narrative qui va clore le film, et accompagner le spectateur jusqu’à la résolution de l’intrigue. La scène finale d’un polar est souvent un duel précédé d’une course-poursuite entre deux protagonistes qui se termine la plupart du temps par la mort de l’un d’eux. L’enjeu, pour le cinéaste, est de pouvoir exprimer ce climax, au-delà de la simple action qui se déroule, en usant de tous les moyens possibles, y compris les moyens techniques du montage, mais aussi l’éclairage et le choix de l’architecture qui va servir de théâtre à la tragédie cinématographique.

Dans Heat (1995), Michael Mann met en scène Al Pacino et Robert De Niro, tous deux incarnant des figures classiques quasi-mythologiques du cinéma policier américain : le flic paumé dont la famille se déchire et à qui il ne reste que l’insigne, et le voyou calculateur pour qui le temps est venu de raccrocher. Ces deux figures vont être amenées, tôt ou tard, à se rencontrer. Après l’instant de la prise de conscience chez le gangster que le moment de renoncer à sa vie rêvée est venu, comme il le craignait, le voilà en prise directe avec son ennemi, sa Némésis, le flic brisé qui le traque inlassablement. Est donc arrivé le moment de clore cette course poursuite magistrale de Michael Mann commencée depuis bientôt 3 heures.

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La scène finale se déroule dans un aéroport, alors que De Niro cherche à fuir, Pacino, implacable, jette ses dernières forces dans la poursuite, et ils se retrouvent, en quelques plans de course, au pied de pistes d’atterrissage, à essayer de se mettre en échec. Plusieurs avions apparaissent, dans les hangars ou se déplaçant sur la piste. Ils s’arrêtent autour de conteneurs en acier où il échangent plusieurs coups de feu. Plusieurs plans se suivent, jouant sur la profondeur de champ, les niveaux de profondeur sont délimités par ces conteneurs en acier, disposés comme des unités de graduation.

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Leur course reprend. La source de lumière est rasante. On voit d’abord De Niro, et son ombre projetée sur les murs d’enceinte des pistes, s’éloigner puis traverser une bande d’herbe vers un regroupement de bâtiments. Puis Al Pacino le rejoint. On peut parler ici d’un usage graphique voire expressionniste de l’ombre projetée des acteurs. Avec De Niro, il apparaît comme suivi par son ombre, alors que Pacino, qui passe au même endroit quelques instants après, semble poursuivre cette ombre qui est la sienne. C’est un effet narratif à retardement qui pressent la réunion inéluctable des protagonistes dans le même plan. La distance qui les sépare s’étire et se rapproche, au gré des effets de prises de vues, et donne corps à l’intensité dramatique.

Dernier plan de cette série, De Niro arrive à ces bâtiments reconnaissables à leur peinture à deux tons. Là encore, l’aspect graphique et immédiatement identifiable est aussi une manière de tenir un propos, deux couleurs qui ne se confondent pas, en damier, comme deux figures dramatiques irréconciliables. Les effets de champ-contrechamp de cette séquence permettent aussi de construire, pour le spectateur, une représentation du champ physique de l’action qui a lieu. On peut se représenter aisément la topographie des lieux, et donc se projeter dans la tension dramatique qui inonde les protagonistes.

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Pacino est montré exactement au même endroit que De Niro quelques secondes plutôt. La traque arrive à son terme. Ce dernier, caché derrière un bâtiment, est subitement en pleine lumière. Il comprend que la piste derrière lui éclaire abondamment la zone à chaque atterrissage. Il sent arriver Pacino. Et à ce moment, la caméra effectue un travelling vers la droite, quitte De Niro qui sort du champ par la gauche, quelques secondes avant que Pacino, à son tour, n’apparaisse, prêt à tirer, au second plan. La caméra les inclut enfin tous deux dans le même plan, ce dispositif formel indique à nouveau leur proximité physique, mais tout à fait accomplie, d’autant plus qu’ils entrent et sortent du champ du même côté du cadre.

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Pacino, arme au poing, approche doucement mais son regard, le spectateur le sait, n’est pas tourné dans la bonne direction. Un autre avion arrive, De Niro, comptant utilisant l’éclairage et le bruit de l’avion à son avantage, sort de sa cachette pour faire feu. Mais cette lumière va projeter l’ombre de De Niro jusqu’à Pacino qui la perçoit et se retourne en un éclair. Tout va très vite, Pacino fait feu, d’abord une fois, puis plusieurs fois de suite. Il avait prévenu De Niro qu’il n’hésiterait pas à tirer s’il le croisait. Dans la lumière, De Niro s’effondre. En un plan fixe final, ils sont enfin réunis, immobiles, l’un d’eux est mort.

On voit, dans cette séquence, l’utilisation habile d’un élément clef : la lumière et en particulier l’éclairage de la piste d’atterrissage, dont l’usage sera à la fois narratif (et diégétique), puisqu’il est la clef de la péripétie qui va introduire la résolution de l’intrigue (cette ombre de De Niro perçue par Pacino), mais aussi formel (et extradiégétique), au sens où il peut être pris comme un élément graphique à vocation textuelle, qui va façonner la représentation de l’intensité dramatique chez le spectateur. Mann fait un usage graphique très réfléchi de cet éclairage. Le jeu autour de leur ombre projetée permet des effets de style que l’on peut interpréter de différentes manières. Les effets de halos et les plans en contraste, de plus en plus intenses et singuliers, permettent également d’illustrer la progression dramatique, paroxysmique de l’instant.

Ce remarquable travail formel de Michael Mann trouve certainement son essence dans une longue lignée de films noirs, tel que celui va nous intéresser à présent, car quand Michael Mann fait Heat en 1995, il signe une œuvre de genre à tout point de vue, avec un héritage classique très riche.

Le coup de l’escalier, film noir de Robert Wise sorti en 1959, propose lui aussi, bien avant Heat, un final peut-être pas aussi travaillé graphiquement – c’est un film en noir et blanc et le cinéma en noir et blanc dispose des avantages de ses inconvénients – mais qui présente quelques similitudes, en particulier sur l’usage de la grammaire cinématographique, mais aussi sur l’emploi de la lumière comme élément à la fois narratif, destiné au récit, mais aussi comme élément textuel destiné à apporter un gain d’expressivité à la dernière séquence du découpage dramatique.

Ici, un trio de gangsters décide de casser une banque. Lors de l’opération, celui qui a monté le coup – et faisait office de liant entre les deux autres malfrats – meurt. L’opposition latente entre le second : un ancien du Vietnam solitaire et raciste joué par Robert Ryan, et le troisième : un chanteur de jazz afro-américain accroc au jeu et fauché (joué par Harry Bellafonte), explose au grand jour.

Dès l’événement déclencheur (le décès du liant), une course poursuite commence. Les griefs deviennent insurmontables et un échange de coups de feu offre au vétéran du Vietnam l’occasion de filer. S’ensuit une course-poursuite, et avec elle, un travail autant formel que narratif constitué de jeux sur la profondeur, du désir constant de représenter au spectateur la réalité physique, concrète du terrain, scène de l’action finale. De la même manière que Heat, nous allons retrouver quelques éléments de grammaire similaire, des raccords sur le regard évidemment, mais aussi des plans similaires pris tour à tour avec les deux protagonistes, ou des jeux sur la lumière venant souligner la courbe ascendante de l’intensité dramatique.

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Après les premiers coups de feu, Ryan fuit, il enjambe une clôture, suivi de près par Bellafonte. Ryan pénètre l’enceinte d’un centre de stockage de produit inflammable, d’immenses cuves reliées entre elles par un complexe système de canalisations font office de théâtre de l’action finale. Cette architecture industrielle sera très présente et très mise en scène dans les plans qui vont se suivre. On voit bien également la similitudes des plans où passent d’abord Ryan puis Bellafonte, laissant entendre que le poursuivant se rapproche du poursuivi.

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La police arrive, et prend position, en surplomb, sur les escaliers bordant les cuves. Lorsque Bellafonte aperçoit Ryan en fond de plan, il reprend sa course mais s’arrête éblouit par un faisceau de lumière, de la même manière que De Niro dans la séquence précédente. On peut évoquer ici, à nouveau, la double fonction, diégétique et extradiégétique, de la lumière. Diégétique au sens où sa présence est le fait des forces de police, la zone est éclairée car elle est dangereuse et des policiers poursuivent des voyous. Et elle est extradiégétique au sens où elle permet de mettre en avant le caractère particulier de l’architecture, de faire ressortir les personnages et leurs ombres sur les cuves, et ainsi de donner un regain d’expressivité à cette séquence finale.

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Ryan, qui poursuit sa fuite, mais il se fait prendre dans le faisceau de lumière. Acculé, il décide de monter sur les cuves. On peut apercevoir son ombre immense, projetée sur les cuves. Un policier armé l’aperçoit mais son collègue l’empêche de tirer. Le spectateur est ici alerté formellement du caractère dangereux de l’émission de coups de feu dans la zone. Ryan se retrouve sur le toit des cuves, en un plan fixe d’ensemble à la géométrie singulière. Des faisceaux sont à la recherche des deux hommes et paraphent les côtés des cuves.

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En un travelling avant, Bellafonte entame lui aussi l’ascension de l’échelle. La caméra, fondant sur son visage, laisse entrevoir la détermination, et la confrontation du personnage à son destin, il doit aller au bout, accomplir sa fonction. Les deux hommes se retrouvent dans le même plan, enfin, pistolets au poing. Ryan regarde derrière, Bellafonte est là, dans la lumière. On en revient au plan d’ensemble, des coups de feu retentissent, puis on entend une bruit d’explosion suivi de toute une série de plans très courts aboutissant à la colonne de flammes.

Notons une différence marquante entre ces deux séquences : Mann s’interdit l’usage de plans d’ensemble en plongée, sauf pour le tout dernier plan de cet affrontement. Reprendre ce type de plan que l’on a beaucoup vu dans le Western pourrait donner un caractère trop lointain, trop descriptif, qui nuirait à l’immersion émotionnelle du spectateur, il préfère rester à hauteur d’homme et laisser sa caméra derrière l’épaule de ses protagonistes. D’ailleurs, Wise n’utilise dans cette séquence que ce plan d’ensemble précisément (les cuves vues de haut et les deux hommes). Pris de trop loin, l’action perd certes en lisibilité, mais c’est aussi le seul moyen d’expliquer au spectateur le danger immédiat, et de montrer la grandeur et l’irréversibilité du danger immédiat.

Clore un polar, c’est un exercice compliqué où il faut pouvoir, avec légèreté, résoudre une intrigue, en illustrant l’intensité psychologique qui va se dénouer, tout en donnant à la prise de vue le caractère paroxysmique de la fin de film. Il faut que ce soit à la fois graphique, expressif, mais aussi intense et donc proche des acteurs. Dans les deux exemples cités, on voit qu’un soin tout particulier est apporté précisément à l’intégration des personnages dans ces décors. Comme si truands et flics ne pouvaient régler leurs comptes que dans ces lieux inconnus du grand public, démesurés, majestueux et inhospitaliers, où seule la mort les attend.

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Kino-élucubration n°03 : L’homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock, 1955

Une séquence ô combien étudiée qui va nous intéresser aujourd’hui, mais qui a le mérite d’illustrer à merveille les variations de points de vue au cinéma.

En effet, le genre Found Footage nous a amené à questionner la notion de point de vue dans les précédents Kino-élucubrations (01 & 02). Le dispositif scénique simplissime étant constitutif du genre – la caméra diégétique – , il impose de lui-même une perception du point de vue tout aussi simpliste (mais pas pour autant dénuée d’intérêt) au spectateur, celle du caméraman. Or, nous avons vu que dans le cas de The Visit, précisément, un second point de vue pouvait s’inviter/se superposer dans ce rigoureux dispositif visuel et a priori exclusif.

En revenant au cinéma narratif classique américain, nous avons voulu proposer une analyse du jeu sur les points de vue dans une séquence qui fait référence sur cette question : la scène de l’Opéra dans L’homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock. En effet, cette scène est exemplaire dans son jeu sur les différents points de vue, et sur l’implication émotionnelle du spectateur qui en résulte.

Elle démontre admirablement que se superposent deux registres de points dans le cinéma classique, le point de vue du spectateur, dans ce cas omniscient, et le point de vue des personnages, que le spectateur adopte et abandonne à tour de rôle.

Cette scène que l’on va aborder plus en détail apparaît aux 3/4 du film (sur un métrage de 120 minutes). Le spectateur sait qu’un meurtre va être commis par une organisation terroriste. Le premier ministre est la cible. Un couple de vacanciers revenu du Maroc sait tout… mais leur fils à été kidnappé par cette organisation pour les forcer à tenir leur langue… Ils sont donc tiraillés entre la survie de leur enfant, et le devoir de prévenir les autorités d’un attentat imminent.

Quelques minutes avant la scène dont il est question, une scène vient poser les contraintes au tueur mandaté par l’organisation pour assassiner le Premier ministre britannique. Son chef lui passe un disque et lui indique le moment précis où le coup de feu doit être tiré, et il précise que ce fameux clash de cymbales n’a lieu qu’une fois. Il doit donc tirer au moment précis où les cymbales s’entrechoquent.

On confie donc ici au spectateur une information cruciale que lui seul partage avec le tueur, l’instant précis où le meurtre sera perpétué. Et tout l’intérêt de la scène qui va suivre est de voir comment les autres personnages, avec lesquels le spectateur s’est pris d’affection (puisqu’il a notamment vu leur enfant se faire kidnapper) vont se dépêtrer de cette situation alors que la partition du drame se déroule devant leurs yeux, inéluctablement, et qu’ils ne savent pas quand, ni comment, l’assassinat va avoir lieu.

La scène (de l’entrée à la sortie de la salle, de la 87e à 97e minutes du film) :

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87′ Madame McKenna entre dans l’Opéra. N’ayant pas de ticket, elle reste à l’entrée au centre des rangs de spectateurs.

Elle regarde d’abord en direction du Premier ministre, puis découvre, de l’autre côté de la salle, la loge où se situe l’individu à la solde des terroristes et qui lui a rappelé quelques minutes avant la représentation qu’ils tenaient encore son fils.

 

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88′ Le concert va commencer. Le rythme de la musique est lent dans cette première partie. Les plans fixes se succèdent montrant alternativement les différents protagonistes, en plan lointain mais de plus en plus rapproché, à hauteur de l’accroissement de la vitesse de la partition jouée.

89′ Mme McKenna veut agir, mais elle est retenue par son tiraillement émotionnel. Son fils est toujours aux mains des terroristes, et son mari est retenu ailleurs. Elle n’ose, de son propre chef, alerter les autorités et de fait, apparaît comme la première personne à souffrir de son impuissance.

 

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90′ Plans moyens successifs sur l’orchestre, puis sur le musicien et ses cymbales, puis gros plan sur les cymbales. Ici, on insiste sur l’importance de l’objet en rappelant au spectateur qu’elles ont un intérêt dramatique majeur dans cette séquence.

 

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91′ Le tueur prépare son coup, et scrute à la jumelle sa cible. On a le point de vue du tueur, souligné par l’effet sur le cadrage.

92′ Mme McKenna, impuissante, en larmes, finit par se retirer vers le vestibule d’accès à la salle. Le spectateur en revient à elle, et à son intimité émotionnelle.

 

 

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92′ Insert sur la partition suivie du doigt par la complice du tueur. Elle indique au spectateur que le temps presse, et qu’on approche du moment fatidique.

Dans les plans qui se succèdent ici, on passe du point de vue du Premier ministre, insouciant, à celui du tueur, qui regarde la partition tenue par sa complice, puis à celle du musicien, qui lui aussi consulte sa partition (différente, puisque sa seule contribution au concert est à la fin de la partition).

On épouse donc différents points de vue, et le spectateur est ainsi omniscient, il a une connaissance globale des savoirs de tous les personnages de l’intrigue.

A la 93′, nous sommes précisément au milieu de la scène et le tueur se retire de sa loge.

 

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93′ Quelques secondes après le repli du tueur, McKenna arrive, accompagné d’un roulement de tambour. Notons la présence subtile ici de l’auteur, Alfred Hitchcock, un œil amusé, qui souligne l’arrivée de son héros par un roulement de tambour puis l’entrée des cuivres dans la partition et un changement de rythme dans la musique. C’est typiquement un effet de style destiné au spectateur que d’assortir l’arrivée de son héros à une partition qui, de fait, devient à la fois diégétique (musique du concert) et extra-diégétique (musique comme ressort dramatique).

Mme McKenna lui révèle l’emplacement du tueur qui a disparu de son champ de vision. Sans hésiter, Monsieur McKenna se précipite avertir le Premier ministre mais arrêté dans sa course par les autorités, il finit par leur confier ses informations sur le potentiel attentat qui se prépare.

 

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94′ Le temps presse, le musicien prend ses cymbales, le spectateur comprend que le moment approche. Le tueur sort son revolver dans l’ombre… puis le pointe vers le ministre.

95′ Ici, l’intensité dramatique monte d’un cran, le temps presse à mesure que le concert se déroule sous nos yeux. Voyant que les autorités se perdent en discussion, McKenna décide de se rendre dans la loge désignée par son épouse lors de son arrivée.

Le rythme des plans s’accélère, ils se font de plus en plus rapprochés, que ce soit ceux sur les protagonistes, ou les plans sur l’orchestre et les chœurs.

Mme McKenna est le centre dramatique de la scène, elle canalise l’émotion et l’impuissance du spectateur. Elle regarde successivement la loge du tueur maintenant désertée… mais lors d’un court plan, le rideau semble bouger, et celle du Premier ministre. On voit le tueur dans l’ombre qui prépare son revolver, et le Premier ministre britannique, absorbé par la musique.

Côté scène, Hitchcock s’attarde sur les chœurs, en plans de plus en plus rapprochés, puis on voit la partition du chef d’orchestre, montrée en deux plans travelling, dont le second se fait plus rapproché que le premier. Là encore, sur le plan formel, tous les effets sont mis en oeuvre pour faire ressentir l’intensité de la situation, et l’approche imminente du moment fatidique.

96′ Monsieur McKenna force toutes les portes des loges. Les cymbales n’en finissent plus de se préparer, sans le savoir, pour sonner le glas. Et le revolver se dévoile en pleine lumière pour frapper. On arrive au climax de l’intensité dramatique…

 

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Mais alors que le musicien va frapper ses cymbales, Madame McKenna, aux confins de sa douleur causée par son impuissance à agir, se met à hurler en voyant le tueur se préparer, ce qui a pour effet de le déconcentrer au moment précis où les cymbales s’entrechoquent. Le ministre sera blessé au bras.

 

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En s’enfuyant, le tueur tombe nez-à-nez avec Monsieur McKenna. Une courte bagarre s’ensuit et, désarmé et tentant de s’enfuir par les loges, le tueur chute lourdement dans les rangées, au milieu des spectateurs en proie à la panique.

Cette séquence est sur le plan technique exemplaire du lien entre la construction formelle des plans et l’intensité dramatique, qui est guidée chez le spectateur par les effets visuels et sonores de cette construction. On parle d’Hitchcock comme le « maître du suspense », mais c’est avant tout le maître de la technique de prise de vue, du découpage en plans et de la mise en scène. Ici, le rythme est lent puis s’accélère, en même temps que les plans se font de plus en plus courts, et donc plus nombreux. On passe d’un point de vue à l’autre tout en déplorant l’impuissance des personnages positifs, comme notre propre impuissance devant la machination qui se déroule sous nos yeux et croît crescendo. Nous partageons la douleur de Mme McKenna, qui canalise l’émotion du spectateur, alors que nous en savons bien plus qu’elle sur ce qui va advenir, y compris qu’en bon spectateur de cinéma, nous avons de toute façon droit à un happy end. Chose à laquelle on ne veut évidemment pas penser devant l’intensité d’un pareil cyclone dramatique.

 

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kino-élucubration n°02 : The Visit de Shyamalan

On parlait dans le précédent kino-élucubration de Found Footage, et sur ce sujet, un film de 2015 retient toute mon attention. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas été aussi épaté par la liberté prise par un cinéaste à jouer avec les codes du langage cinématographique, et dans ce cas précis, avec ceux du Found Footage.

D’ailleurs, s’il fallait comparer M. Night Shyamalan à un autre grand cinéaste de notre temps, c’est à Alfred Hitchcock, et ce pour son approche espiègle de l’usage de la caméra, pour la volonté constante de faire un cinéma grand public qui sollicite et surprend le spectateur et le désir d’explorer différents genres et d’y apporter à chaque fois quelques éléments de fantaisie dans la mise en scène.

Dans The Visit, qui a tout du film de genre, la bande filmique va peu à peu échapper aux préceptes du Found Footage tout en exploitant son principe fondamental : utiliser uniquement des plans de caméra diégétique (la caméra existe dans la fiction racontée).

Mais Shy va au-delà du double-dupe vu dans le précédent kino-élucubration (01) et on peut même parler, dans ce cas précis, d’une triple « machination ».

1/ Le film est monté. Et la nature même du montage, dans le fait qu’il est essentiel au cinéma, est le premier trucage, la première supercherie qui condamne le film à être une création faite d’images sélectionnées, découpées et assemblées. (La seule vraie bande filmique à ne pas être truquée, soyons clair, est la seule caméra de surveillance, qui tourne en plan fixe, en continu, et en direct.)

2/ Le film n’est pas présenté comme une suite de rushes, ce qui l’éloigne du principe du Found alors même qu’il est pourtant très majoritairement construit de plans de caméra portée et de séquences prises sur le vif. Le film est d’ailleurs très tôt présenté comme un documentaire. En effet, ne serait-ce que sur le seul plan formel, plusieurs éléments de montage viennent apporter de la variété au film (des incrustations de texte, des plans de coupe, des voix-off, etc.). Sans eux, et on a pu le constater dans de nombreux Found, la bande filmique devient aride et rugueuse. Il y a donc un travail de postproduction qui a pour but d’enjoliver la bande et c’est là la seconde tricherie.

3/ 3e étage de la fusée = dépassement du principe de found footage car le film propose un va-et-vient constant entre des plans dont on peut accepter qu’ils sont issus d’une caméra diégétique, et des plans plus difficilement acceptables, voire quasiment impossible à percevoir comme diégétiques. Au point que ces plans ne peuvent être que ceux réalisés par un troisième homme, extra-diégétique en l’occurrence : le réalisateur lui-même.

Et c’est justement dans ce flou que réside la talent de Shyamalan dans The Visit. Sur le plan technique, on peut, d’une manière ou d’une autre, croire en la qualité diégétique continue de la caméra (des caméras, puisqu’il y en a toujours deux), et c’est une prouesse. Mais sur le plan du plausible, sur le plan narratif, le spectateur attentif trouvera mille invraisemblances sur l’usage de la caméra (la poignée de porte, la caméra laissée dans le salon et le couteau, le « cache-cache », les scènes de webcam), et se dira : « c‘est matériellement possible, mais ce ne peut être l’œuvre d’un enfant agissant par anticipation, aussi intelligent soit-il, mais seule celle d’un cinéaste espiègle qui veut semer le doute et nous malmener de bout-en bout« .

A ce titre, Shy joue même avec le spectateur sur les plans de caméra fixe tournés sur pied. A chaque fois que la prise de prise de vue est un peu longue ou trop propre, un des acteurs, au bout de quelques secondes, va toucher la caméra et modifier en conséquence le cadrage, rappelant au spectateur que la caméra, s’il se pose encore la question, est bel-et-bien toujours dans l’espace diégétique de la fiction. Et ces effets se produisent tout-au-long du film, nous rappelant qu’il ne nous a pas oublié et continue ainsi à jouer avec les codes et, par conséquent, avec le spectateur-cinéphile qui traque, à son corps défendant, la technique de mise-en-scène.

Il faut aussi souligner que pour justifier l’omniprésence des deux caméras, elles ont elles-aussi leur scène de présentation dans le premier tiers du film, comme de vrais personnages de fiction. Et elles sont également justifiées sur le plan scénaristique ; Becca admet à plusieurs reprises faire un documentaire pour sa maman, afin de lui trouver « l’élixir » qui lui permettra de se libérer du poids de son passé.

Cependant, l’invraisemblance de la possibilité de caméra diégétique dans de nombreuses séquences va conduire le spectateur à assumer son désir de vouloir croire en ce qui lui est présenté même si c’est trop gros, ou trop propre, ou trop judicieusement placé pour être honnête. Mais c’est là la nature même du cinéma et en aucun cas une spécialité du Found Footage. Vouloir croire, c’est bien ce qui est à l’origine de n’importe quelle œuvre de fiction cinématographique. Ca ne peut marcher que si le spectateur veut que ça marche. Seulement ici, Shyamalan, facétieux, nous laisse de nombreux indices de son omniprésence, et invite le spectateur à déceler les traces qu’il laisse derrière lui ; nous déstabilisant, nous invitant à nous préoccuper plus du jeu de la caméra que de maintenir l’effet-fiction, au risque de briser le fil tendu entre nous et la fiction, devenue secondaire.

Plutôt que de se soumettre totalement aux codes du Found, en déviant les codes de la vraisemblance tout en respectant ceux de la technique, cet exercice constitue, pour le cinéaste, un vibrant hommage, et une puissante publicité, pour la validité et l’efficacité du genre. Et pose aussi la question de la nature du Found : ne faut-il pas aussi ajouter une close de « vraisemblance » à la définition du « genre » ?

Le fait de digérer et de réutiliser ces codes dans un cinéma plus traditionnel de la part d’un cinéaste plutôt connu pour ces grosses productions (budget After Earth : 130M, budget The Visit : 5M, pour situer), ne font que souligner tout la puissance créative qui réside dans cette intégration diégétique de la caméra, tout en gardant la possibilité de s’éloigner d’une application trop réductrice, trop austère ou trop rigoriste.

Petite com, petit budget, mais sublime travail d’écriture à la caméra-stylo pour un Shy qui montre qu’il en a toujours sous le pied, qu’il peut renouer avec sa créativité des débuts malgré quelques errements ces dernières années, et surtout continuer de proposer une vision personnelle aux schémas canoniques des films de genres qu’il aborde : le film de fantôme, le film de super-héros, le film apocalyptique, le found footage ici, tous à chaque fois traversées par une idée dominante de mise en scène déclinée tout-au-long du film, changement de point de vue, absence visuelle,  questionnement du plausible.

Prochain film de Shyamalan à l’affiche : Split, le 22 février.

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kino-élucubration n°01 : foutage retrouvé

Les kino-élucubrations, c’est quand je réagis « chaud-froid » à un commentaire énoncé sur le cinéma, et que je n’ai pas souhaité répondre de recta à l’auteur, puisque la nature même de cette réponse est une élucubration de vieux prof de fac qui va faire chier tout le monde. Autant, donc, ne faire chier personne, et la poster sur ce piètre blog.

Un constante dans le Found footage, c’est d’entendre qu’il n’y aurait pas de montage, ou qu’il se distingue par un travail de montage qui se veut réaliste.

Les points de montage sont, dans la très grande partie des cas, omniprésents, afin de rendre présentable une bande filmique à vocation dramatique. Surtout un Found Footage, à vouloir faire « semblant de ». On peut même estimer qu’il y a tromperie sur le montage, quelque soit le film, à partir du moment où un film commercial dure, par convention, 2h, comme si « 2 heures » était l’unique unité de valeur de la dramaturgie cinématographique. Certains s’en écartent, mais c’est pour mieux se distinguer de la production dominante que pour une pure raison technique.

Dans les premiers Found, et surtout, d’ailleurs, dans Cannibal Holocaust, la partie found (2nd partie du film) est en fait une fictionnalisation (séquence montée) d’une séance de derushage menée par les producteurs du film dans le film. Encore moins vrai, en somme,  qu’un Found « natif », prémonté mais uniquement basé sur des plans de caméra diégétique.

C’est à ce titre un des premiers éléments qui pousse le spectateur préparé à un vrai Found footage à se voir sortir de la fiction (à se voir jeter au dehors de l’effet fiction, ce fil sensible qui nous lie intimement avec le film pendant toute sa durée, un peu comme la sonnerie d’un portable, ou un coup de coude de son voisin). On n’assiste jamais vraiment à un derushage devant un Found, mais bien à un montage de rushes qui ne veut pas en avoir l’air. Et on ne charge pas non plus la cassette nous-même… La tromperie est double pour le spectateur, puisque ce n’est donc pas un derushage, mais en plus, il veut faire croire à une espèce de derushage parfait, tourné one-shot.

Ce qui rattrape de ce caractère si factice du Found footage, c’est le constant désir du spectateur, toujours volontaire à cette double tromperie. Il veut se faire double-duper.

Le Found footage tient compte – et c’est sa spécificité en tant que genre – du désir originel du spectateur de cinéma pour l’effet fiction, et même si on lui fait croire à du found, chose à laquelle il veut croire d’emblée, il n’est jamais tout-à-fait dupe du trucage, de la supercherie du discours. Il reste « spectateur de cinéma » et donc cherche à tout prix à jouir du protocole de fiction qui va s’installer quand la lumière de la salle d’éteint et celle du projecteur s’allume.

Alors, Found footage est-il une expression de la spécificité du médium ?

Grand dieu non, mais il faut lui reconnaître cette intention de faire un usage intéressant, non pas tant dans la coupe que dans l’intégration de la caméra dans la diégèse. La caméra est un élément qui existe dans l’univers de la fiction, au même titre qu’un personnage auquel elle est souvent attachée. Ce qui est souvent bien vu, et à mon sens le seul vrai artefact du genre qui vaille d’être souligné. Même si on peut se poser la question dans des films plus traditionnels chez Godard ou Bergman…

La durée du plan, et le rapport nombre de plans par unité narrative n’a finalement que peu d’impact sur la question du Found footage, tant les cinématographies au cours de l’histoire du cinéma ont exploré, des formalistes russes à Belà Tarr (pour ne citer que les premiers exemples qui me viennent en tête), un peu toutes les possibilités de découpage (de l’action dramatique).

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Pas de GOTY pour Marnie

Aucun jeu sorti en 2016 ne sera mon Game Of The Year 2016.

Parmi les natifs du cru, seuls deux titres ont atterri dans ma console : Street Fighter V, que j’ai pris en bundle avec la nouvelle PS4, et Guilty Gear Xrd REVELATOR, amélioration de la version 2015 d’une grosse licence baston du passé. Deux jeux de combats auxquels je n’ai pas consacré le temps nécessaire pour se faire une idée solide. Le premier s’est heurté à son public (delay input, modèle économique du season pass, faible contenu au lancement), l’autre a séduit (environnement online, perso supplémentaire gratuit quelques heures après la sortie, équilibrage aux petits oignons, touche graphique).

Or, pour ma part, c’est la génération « baston » de trop. I’m getting too old for this shit.

murtaugh

Deux titres de l’année précédente ont cependant retenu toute mon attention. Deux claques sur le plan jouabilité, ambiance et mise en scène. Ce sont Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, œuvre inachevée d’Hideo Kojima débarqué de chez Konami avant la fin du développement, et Bloodborne de From Software, éditeur adossé à Sony et très en vogue chez les h4rdc0reg4merz, notamment pour la série des Dark Souls.

Non, pas de révolution au pays du jeu vidéo cette année.

Que des suites.

Une odeur de fin de règne.

 

Pourtant, trois vrais « gaming moments » font à rebours office de GOTY chez moi :

 

1/ La Stunfest 2016
Se déplaçant en meute, l’association SOFC aura participé à de nombreux tournois lors du festival celte des cultures vidéoludiques. Excellent gaming moment qu’on aura du mal a revivre en 2017, déjà parce que l’asso en charge du Stunfest déclare forfait pour l’année prochaine.

 

2/ L’annonce de la prochaine console Nintendo : la Switch

Mon GOTY 2016, c’est le teaser de la Switch. Tout simplement.

 

3/ l’annonce du HFS Summer 3, en mai 2017 à Vierzon

Autre gaming moment of the year : l’association HFS play qui se défonce et propose au pied levé un festival orienté jeu d’arcade en mai 2017 à Vierzon (des voisins !).

http://summer.hfsplay.fr/

 

Et en vrac :

Mention spéciale à Puyo Puyo Tetris, et conjointement coup de gueule à Nintendo, Sega et Ubisoft qui ont chacun à leur manière empêcher cette version réunissant les deux franchises reines du jeu de réflexion de sortir officiellement Europe.

Loin d’être un perdreau de l’année, Street Fighter III Third Strike (1999) occupera la plus grande partie de mon temps de jeu 2016.

Et s’il y a bien une question que je me pose, c’est pourquoi je retourne inlassablement sur les serveurs de Fightcade (successeur de GGPO) pour m’y faire péter les rotules (et l’égo) sur des jeux uniquement pratiqués par les vieux de la vieille, des gars rompus à la pratique du parry et du link c.lk>SA / parry/SA ? Je te préviens, cher lecteur, là-bas, ça joue dégueulasse, ça respecte rien, ça sort toujours des excuses en OS quand ça se fait gwaker (« ta connexion est pourrie mec !« ), c’est un univers très particulier.

3S (son petit nom), c’est le jeu de la sueur, des tournois de 50 mecs paumés dans des hangars désaffectés, comme le Gutter Trash 7 qui a eu lieu à Londres il y a quelques semaines. La légende dit qu’on ne peut bien jouer à 3S si on s’est pas mis un gros « 3 feuilles » pour s’adapter au flow, cad la cadence fluctuante de la carte CPS-III, le format arcade du jeu, qui fait sauter certaines frames et rend caduque toute certitude framatique.

Un peu comme un âne qu’a pas compris qu’il n’y avait rien au bout, point de salut, j’ai décidé de jouer Sean. En principe dans le VSF (la communauté du jeu de combat, ses habitudes, ses réseaux), on choisit un perso comme main, auquel on consacre toute notre faculté d’apprentissage ; et Sean est unanimement reconnu comme le plus mauvais perso du jeu, et de loin. Ce qui rend la victoire plus belle, mais ô combien plus rare.

Autre fun fact : les joueurs ne jouent qu’à la version A, celle qui a des bugs, avec des coups imblocables, et une Chun-Li bien supérieure au reste des autres persos. La version B, qui corrige les abus, n’est pas appréciée. D’ailleurs, Capcom, en faisant la Online Edition sur PS360, l’a bien compris, puisque c’est bien la version A qui a été retenue. Un conseil donc pour celui qui voudrait s’y attarder : toujours garder en boutique deux-trois phases no school pour voler le dernier round, faut pas tout baser sur la logique.

Faut pas tout baser sur la logique : #rip2016 .

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Ban! Ban! Ban!

(Avant-propos : Cet article a remporté la première Write Jam organisée par Grospixels. Etant résolument persona non grata auprès de cette communauté, j’ai dû user de subterfuge pour participer au tournoi. J’ai donc signé ce texte du nom de djsylvainfromdijon, n’étant pourtant ni dj, ni bourguignon).

Renegade
1986,
Technos Japan
édité aux Etats-Unis par Taito America
Arcade, puis multiples ordinateurs et consoles 8-bit.

Si on n’avait le droit d’emporter qu’une seule borne d’arcade sur l’île déserte de son choix, il est évident que je prendrais celle de Renegade, un jeu développé par Technos Japan (également géniteurs de Double Dragon) sorti en 1986 sous le nom de Nekketsu Kouha Kunio Kun sur l’archipel et, le croirez-vous, Renegade partout ailleurs.

Les flyers :
Renegade_(Taito)_(flyer)Nekketsu_Kouha_Kunio-kun_(flyer)

Renegade, c’est un jeu marqué du sceau indélébile de son époque : les années 80, les tubes en néon, les boîtes de nuit obscures et les soirées qui se terminent en baston. On peut même se laisser prendre par l’idée que son adaptation occidentale ne s’est pas faite sans être influencée par les productions cinématographiques de l’époque, dont tout particulièrement Streets Of Fire (1984), 7e film de Walter Hill avec en vedette Michael Paré et Diane Lane ou encore Rick Moranis et Willem Dafoe (ouais, rien que ça !). Ce film, véritable pilier de la culture 80’s a posteriori, se veut très proche de l’opéra rock sans devenir pour autant un film musical. Il raconte une histoire de kidnapping se déroulant dans les centre-villes embrumés des villes américaines modernes. D’ailleurs, Renegade ne sera pas le seul jeu vidéo qui naîtra en résonnance avec ce film. Tom Cody le « gentil » de Streets of Fire (Streets of Fire, ça sonne comme Streets of Rage un peu, nan ?) Tom Cody – disais-je – prête son nom à un autre personnage de Beat’em All des premiers temps : un certain Cody de Final Fight, de Capcom, pensé à l’origine pour devenir le vrai Streets Fighter II.

Bref, je laisse là mes errements d’adulation pour vous offrir, chers lecteurs, un bref intermède musical, histoire de vous mettre dans l’ambiance. Ca va swinger !

Fire Inc., Nowhere Fast

Lost in translation

En préambule, je pourrais de manière fort académique vous parler des différences entre les versions japonaise et américaine du jeu. Les séquences d’action, les possibilités de jeu, le bestiaire des coups du personnage sont parfaitement identiques. Toutefois, deux choses particulièrement intéressantes les distinguent. D’abord, certains éléments graphiques dans les décors et/ou dans le design des personnages ont été clairement pensés en vue du bassin de réception de chaque version.

renegade4270_01En haut, la version japonaise dans une ambiance lycéenne, et en bas, la version américaine, plus axée loubard.

On voit bien que le travail a été particulièrement soigné sur le premier niveau, après, ce sont juste les designs des personnages qui changent, et quelques menus détails. Notez cependant qu’un gang de lycéennes en uniforme au Japon devient une bande de prostituées aux Etats-Unis, avec résille et chaînes de vélo. Au passage, appréciez également le tour de poitrine non négligeable de la cheftaine, qui n’a rien à envier aux pires bosses de Golden Axe.

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Autre élément marquant, les méchants du dernier stage sont un peu plus noirs aux Etats-Unis, un vieux contentieux sans doute.

Cependant, le boss de fin, assujeti à une antique tradition séculaire de paresse totale dans le portage des derniers niveaux, a conservé dans les moindres détails sa décoration « à la japonaise », mausolé et sabres accrochés au mur : « Le poids des traditions évidemment ! », me direz-vous.

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Et puis surtout, deuxième élément central qui se distingue dans cet exercice de localisation : le scénario. En effet, la version japonaise propose un contexte qui légitime les séquences de baston par le devoir de justice entre un clan systématiquement attaqué, et le besoin de laver son honneur. Le mobile de toutes ces échauffourées est la vengeance, et l’honneur, votre honneur (!?!).

Dans la version japonaise, chaque début de chapitre débute de la même façon. Le jeune Hiroshi est victime des assauts des gangs rivaux de la ville. A nous, le jeune gars costaud du clan au sang chaud (c’est ce que j’ai gardé de la signification de Nekketsu Kuha Kunio-Kun, ne parlant pas nippon), d’aller laver ces affronts. Ces saynettes qui se répètent de manière systématique à chaque début de stage présente une vision distanciée du contexte des bagarres et finissent par endosser une forme de comique de répétition. Images :

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Evidemment, les filles au Japon se battent avec leur sac à main… Y’a pas de règle dans Renegade, c’est la rue qui parle !

La version américaine est bien moins élaborée sur le plan de l’histoire, toutes ces cinématiques ont disparu, et le prétexte à l’action consiste simplement en sauver une blonde (évitons d’alerter la « feminist fequency » pour un exemple si binaire et immédiat qui témoigne de la légèreté d’une époque quasi-préhistorique du jeu vidéo) :

Japon : fraternité et honneur donc.
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Etats-Unis : sauve ta blonde !
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Tous les coups sont dans la nature !

Après ce bref panorama des particularités culturelles locales – on aurait pu ajouter les impacts, blancs au Japon, rouges aux Etats-Unis pour imiter le sang – attachons-nous désormais à ce qui fait, je crois, le caractère si particulier de mon jeu préféré dans l’histoire du jeu d’action : sa place dans l’évolution du jeu de combat, et son gameplay si riche.

Car Renegade souffre des même symptômes que Spacewars! en son temps. Il est le premier et comme souvent, il s’avère être très riche et rapidement trop complexe à appréhender pour les joueurs. Galaxy Game / Computer Space avaient rebuté les joueurs à leur sortie pour les mêmes raisons et c’est finalement Pong qui allait s’imposer comme succès populaire d’un média naissant, avec un gameplay ô combien plus simple et accessible.

Renegade verra aussi son concept simplifié par la suite, et son panel de coups se verra réduit dans la deuxième tentative de jeu de combat que proposera Technos l’année suivante (Double Dragon, donc).

Pourtant, il y a tellement de variété dans ce jeu que je ne peux me permettre de ne pas vous en parler.

Faisons un petit panorama de ce que la baston a su faire de mieux dans les années 80 avant que Capcom ne mette son nez là-dedans et se mette à uniformiser les panels de coups (fan de Runark, ne t’en va pas !). En plus des traditionnels coups de poings et coups de pieds, ainsi que coups de pieds sautés, il y a un grand nombre de coups au corps-à-corps, ce qui permet une grande variété de situations dans les affrontements. Petite précision, le panel du jeu présente deux boutons d’attaque et un bouton de saut au milieu. En effet, dans Renegade, le bouton de droite sert à taper vers la droite, et celui de gauche vers la gauche. Ce qui permet de se fendre d’un coup de pied en arrière lorsque notre petit combattant se retrouve encerclé. Notons que cet aspect ludique ne réapparaîtra que dans Double Dragon II ; le prédécesseur tout comme le successeur de cette célèbre franchise se verront attribuer une distinction poing/pied en remplacement, modèle qui sera privilégié par la suite dans le Beat’em All. Renegade introduit également le dash réalisé à partir de deux coups vers la gauche ou la droite, ainsi que les coups OTG, c’est-à-dire qu’on peut continuer d’attaquer un adversaire tombé au sol. N’oublions pas, évidemment, les prises au corps à corps (coups de genoux et projections) une fois l’adversaire sonné après deux coups de poings.

Morceaux choisis :

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Faire de la moto sans casque, c’est aussi prendre le risque de se prendre un coup de tatane dans la gueule ! (en version originale comme en version américaine)

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Le boss du niveau 1 se défend contre une attaque au sol… Puis se relève.

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Projection d’un loubard dans la rivière soit la manière la plus expéditive mais les bosses, eux, ne se laissent pas faire.

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On cogne aussi les prostituées, sans ostracisme aucun.

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Coup de boule, choppe spéciale, revolver et couteau : les ennemis ont du répondant !

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Le boss du niveau 2 arrive en plein pendant les soldes !

Le 2eme Meilleur Jeu du Monde (après Sega Rally), tout simplement.

L’innovation majeure de ce titre est bien entendu l’exploitation constante de cette simili-3D : la profondeur de champ dans laquelle on peut faire se déplacer son personnage, et dans laquelle se mouvoient aussi librement les ennemis. Il propose un cadre, introduit une innovation ludique qui là encore se verra reproduite au point de devenir la norme des beat’em all édités en arcade dans les années 90 (les consoles ne seront évidemment pas en reste).

Loin d’être un simple élément graphique, ou juste une fantaisie technique prometteuse (après tout, de nombreux jeux en vue de haut singeaient déjà l’effet profondeur comme c’est le cas dans Chinese Hero, Taiyo System, 1984 qui est un jeu de combat en un seul écran), cette profondeur de champ s’avère être un élément crucial de gameplay, puisque se défaire des ennemis va imposer au joueur (comme on le verra très bien par la suite dans les Double Dragon) l’exploitation des diagonales pour esquiver sans cesse puis se remettre dans l’axe pour toucher ses ennemis. En restant mobile constament, et en cherchant l’ouverture tout en se protégeant des attaques et des tentatives d’encerclement, on arrive à se défaire des situations les plus extrêmes car avouons-le : Renegade, comme tout bon Beat des années 80, n’a rien de tendre.

Try again, Punk !

Il est donc des jeux qui ne sont pas uniquement valables pour leur qualité intrinsèque, mais pour ce qu’ils représentent pris dans une industrie de divertissement en évolution. Il est vrai que c’est tout le champ de l’arcade qui avait vacillé en 1983 après le retrait de certains éditeurs du sol américain. Pourtant, avec toute cette matière, tous les éléments de jeu qu’apporte Renegade/NKKK, on peut clairement affirmer aujourd’hui que c’est un jeu de sortie de crise.

djsylvainfromdijon (comme la moutarde)

BONUS TRACK : Fire Inc., Tonight is what it means to be young

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Coupe du Monde, va te faire foot !

Quelle désolation !

La Coupe du Monde de football, le Mùndial, n’est pas visible dans son intégralité sur les chaînes françaises. Pas de Mexique contre le Cameroun, pas de Colombie/Grèce, pas d’Uruguay/Costa-Rica ; juste le petit plaisir nationaliste, sadique et malsain de voir la France, ce si beau pays, « pulvériser » le Honduras, un pays de 8 000 000 d’habitants, qui justifie qu’on s’enorgueillisse et qu’on sorte les klaxons.

Seul TF1, bien entendu, s’est porté acquéreur d’une petite proportion de matchs : les bankables, où s’illustrent les grandes prétentions européennes ; et Bein Sports, la chaîne à péage spécialiste du sport, qui elle, diffuse tout, mais en payant.

Ce grand moment international de partage, de communion, de noblesse sportive, de rencontre des peuples n’est devenu que le plaisir  écranique de quelques privilégiés. Car oui, si aujourd’hui, ces valeurs sont interdites à la foule des innombrables comme moi, c’est parce que des millions de connards sont aujourd’hui capables de payer pour voir du foot.

Le spectacle des malversations et de la triche fait salle comble. Et nous lamentablement, on essaie d’en voir un bout par dessus la clôture, des bribes, un coup franc, un tacle de Thuram… Et qu’y voit-on ?

Eh bien, en match d’ouverture, le pays organisateur, l’hôte, notre idole, ce pays du Sud qui conteste la suprématie de l’argent, on le voit se coucher lamentablement dans la surface de réparation pour obtenir un penalty et finalement s’imposer de la plus noble des manières, en nous montrant l’exemple.

 

Comme dirait un illustre joueur de mariokart8 victimé, persécuté, spolié :

« – Vous êtes tous vraiment très-très méchants !

– …

– Désolé… »

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La longue route – part.01

Aujourd’hui, un petit exercice de montage qui saura concilier mon goût prononcé pour les jeux de combats en duel et le montage vidéo. Le principe est, soyons optimiste, de créer une série de vidéos racontant mes déboires sur Ultra Street Fighter 4, dernière itération de la célèbre franchise de Capcom.

Je joue Hakan, le combatant turc qui se huile le corps pour mieux choper ses adversaires, depuis « day one » (Super Street 4, 2010). Après avoir longtemps erré avec différents persos du roaster sur PS3 puis 360, je reviens aujourd’hui sur le PSN pour jouer sérieusement. Voici donc la première partie de mes folles aventures. Je précise que je ne joue que Hakan en classé et que tout ce que vous verrez est extrait de parties classées (sauf un seul « versus Hugo » au skatepark, issu d’un match making avec un de mes sparing partners habituels) rapatriées grâce à la fonction « upload to youtube ».

A tous les frères du PSN qui sont là : Thanks for playing !

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« Tragédie Bourgeoise » dans la presse vidéoludique

Beaucoup me maudiront et me reprocheront d’être « ultime », « inflexible », « définitif ». D’être l’Electre de Jean Giraudoux et de vouloir que l’on brûle la cité pour reconstruire un monde meilleur, sans compromission. Je ne suis peut-être pas aussi totalitaire que cet article d’opinion le laissera paraître, mais il est temps, je crois, de rappeler à nos confrères ce qu’est le nord et où il se situe.

La dernière semaine a été riche en articles parlant du jeu vidéo et de son journalisme en France. On entendait sur twitter la rédaction de Canard PC parler de violence impossible, citant Yann Leroux, il y a eu l’émission d’Arrêt sur Images abordant les risques d’addiction dans Candy Crush Saga supposément orchestrée par ses créateurs et ce matin, c’est Acrimed qui nous rappelle les périlleux enjeux et difficultés de l’indépendance rédactionnelle au cœur de la presse vidéoludique française.

En résumé, on a reproché dans @si (Arrêt sur Images) à Julien Chièze, rédacteur en chef de Gameblog (nommément cité, et que je ne défendrai ni ici, ni ailleurs) de « faire des ménages ». C’est-à-dire qu’il va faire la promotion d’un jeu ou d’un éditeur dans un salon, et qu’il est rémunéré par l’éditeur dudit jeu pour cela. Ensuite, au sein de sa rédaction, on est amené à faire la critique d’un jeu du même éditeur. Son site étant financé par la pub, les emplacements peuvent être achetés par l’éditeur en question, qui paie déjà le rédacteur en chef pour ses ménages. Il est alors clairement difficile, pour nous lecteurs, d’imaginer quelles sont les marges de manœuvre laissées à l’appréciation de tel ou tel jeu quand on sait à quel point les éditeurs peuvent se montrer particulièrement rancuniers et susceptibles (les fameux blacklistages, notamment Sony à l’égard de Gamekult à la sortie d’Heavy Rain, entre autres). Le journaliste officiant dans le cadre de cette rédaction est en quelque sorte condamné à en dire du bien, à la manière d’un publicitaire (publicitaire, c’est un cas particulier de journalisme dans lequel c’est le créateur du bien dont il est question qui paie pour qu’on en parle de manière élogieuse). Même si la rémunération se fait antérieurement et pour une autre activité, il y a clairement ici risque de collusion entre une parole publique d’information (je parle de tel jeu pour informer le public de ses qualités et de ses défauts) et une parole publique de communication (je fais la promotion d’un jeu pour mon employeur).

Or, le problème, sur le plan éthique, est que le site en question se positionne tacitement comme un site d’information traitant l’actualité vidéoludique. Dans la pratique, ses journalistes/chroniqueurs ne peuvent produire une information techniquement neutre, car on pourra toujours dorénavant mettre en cause l’influence supposée des annonceurs sur la rédaction, directement ou indirectement.

Peut-on en vouloir à ces jeunes garçons et filles de maquiller un peu leur ressenti pour pouvoir vivre de leur passion ? Par les temps qui courent, je dis « non, on ne peut pas les blâmer ». Pour autant, je crois bon de renoncer au statut de journaliste les concernant. Ce qui tombe bien puisqu’eux-mêmes se définissent comme des « Ménestrels Anti-Blasitude », ce qui en dit suffisamment long sur la fine élaboration de leur approche critique.

Mais là où la coupe tend à se remplir, c’est quand Arrêt sur Images fait le procès de Chièze en place publique dans une émission dédiée à la presse spécialisée désormais célèbre. On y comprend que Gameblog se laisse aller à certains raccourcis avec la déontologie (que l’on vient de vous reporter précédemment) alors que d’autres feraient mieux leur travail, comme à Canard PC par exemple, avec prise de parole du rédacteur en chef à l’appui, dénonçant la corruption ordinaire régnant dans le milieu chez nos voisins outre-Manche, et les pratiques pas si différentes ici-même.

Or, aujourd’hui, Canard PC propose une offre d’abonnement conjointe avec Arrêt sur images.

Comment peut-on, en toute neutralité, inviter sur son plateau des gens qui donnent un avis sur le bon et le mauvais « journalisme » d’un secteur précis et dont les discussions amènent à dresser une échelle de valeur entre les travaux des différentes rédactions invitées, tout en ayant des accointances commerciales avec certains des individus présents en plateau ? A dire du mal des autres, à les mettre en défaut dans les conditions du direct, on laisse entendre que l’on fait bien (voire mieux) qu’eux. La joute paraît aujourd’hui plus rhétorique qu’autre chose, la parole journalistique se voulant, dans ce cas précis, tout aussi publicitaire que celle désignée sur Gameblog, puisque celui qui vient se présenter est ou sera en affaire commerciale avec celui qui lui donne la parole.

Comment pourrait-on envisager que la rédaction d’Arrêt sur images puisse critiquer un canal dont les gains d’audimat pourraient indirectement lui profiter ?

On est clairement en présence d’un glissement déontologique. Alors, certes, il n’a pas l’ampleur d’une imposture sur l’intégrité du travail journalistique, mais ici aussi, on est clairement dans une situation de conflit d’intérêts entre une information visant à cartographier la profession de journaliste et la nécessité de créer de l’abonnement et de la synergie. Alors même qu’on voudrait croire – moi le premier – à la toute neutralité d’@si et Canard PC, dont les qualités journalistiques ont déjà été maintes et maintes fois remarquées.

On va me croire un peu naïf, ou on me dira « qu’il faut bien bouffer ». Je dis « oui », et c’est le moment où je vous rappelle que je suis Electre, la Némésis de laisser-aller déontologique, et que mon but n’est pas que vous me détestiez, même si cela s’impose à vous à cet instant – et je le déplore –, mais  bien de vous rappeler le nord, la direction la plus neutre, la seule acceptable, selon moi, pour un journalisme dénué de toute imbrication pécuniaire.

Pourtant, il ne faut pas se leurrer, la différence entre journalisme et publicité est mince – je vous le disais – et la concurrence y est terrible ; la survie, un combat. Le métier même de journaliste impose que l’on sache se mettre en avant, que la personne prime parfois, souvent, trop souvent sur le texte, sur le propos, sur la transmission du contenu au lecteur.

Que faut-il penser, également, lorsqu’une des rédactions offre un espace public de parole à des psychologues pour qui le jeu vidéo ne présente indiscutablement aucun risque d’addiction ni de violence, sous aucune forme et d’aucune manière que ce soit ?

Serait-il possible que les mêmes journalistes spécialisés jeux vidéo, qui vivent de rémunérations induites par le succès global du loisir vidéoludique, puissent, se faisant médiateurs éclairés, parler des dangers supposés liés aux jeux vidéo ? En rappelant par exemple que le jeu vidéo, s’il ne crée pas la violence des plus jeunes certes, peut, dans une certaine mesure, être considéré comme un terrain propice, favorable à l’expression d’une agressivité pré-existante, surtout quand le jeu choisi présente une imagerie violente et que sa pratique semble fréquente et soutenue ? Les mêmes journalistes pourraient-ils rappeler qu’une exposition prolongée à certains jeux d’action (2010) est susceptible de provoquer une altération du fonctionnement du lobe frontal ?

Alors que cette question semble avoir été débattue, et discutée (2008) avec virulence, le simple fait que la question ne soit pas tranchée définitivement et avec certitude nous impose réserve et prudence. D’autant que les travaux menés se sont montrés incapables de prédire les effets sur le long terme, d’autant plus quand on constate que le jeu vidéo évolue vite, que le photo-réalisme espéré n’a jamais été aussi saisissant qu’aujourd’hui et que la surdité des parents à l’égard du PEGI laisse filtrer des jeux inadaptés dans les mains des plus jeunes. Prétendre qu’il n’y a aucun risque potentiel, c’est clairement mettre en hypothèque le développement de nombreux enfants et avec lui celui de nos sociétés futures.

Ne serait-il pas temps qu’il y ait une vraie prise de position adulte sur la question, un journalisme de la maturité, qui ose aborder certains problèmes et confronter les points de vues, sans systématiquement se sentir menacé par ses annonceurs et se sentir obligé de prendre des positions tout aussi abracadabrantes qu’irraisonnées ?

On le comprend assez vite, critiquer le jeu vidéo, révéler ses aspects négatifs, dangereux ou inconnus c’est prendre un risque, pour le journaliste qui en vit, d’inquiéter son public (et son mécène) et de le voir déserter. Alors il faut parfois savoir faire le choix de l’omission, et se référer à une unique vision universitaire ayant pignon sur rue, remarquablement consensuelle et qui – et ça tombe à point nommé – viendrait soutenir l’industrie française et se féliciter de la qualité indéniable, constante et incontestable du jeu vidéo, sa capacité à susciter de la créativité et de l’imagination, à exprimer son individualité librement voire à comprendre et traiter des pathologies (pour aller plus loin, un article du même club de pensée reprenant des discours technophiles typiques des utopies promises par les nouveaux médias). Au pire, GTA les tiendra éloignés des vices de la rue

Saurais-je apporter une réponse à la question du seul bon modèle de rémunération des journalistes ? Une rémunération qui soit parfaitement limpide, dénuée de tout intérêt économique et qui permettrait une stabilité à cette fragile fonction qui doit constamment ménager la chèvre et le chou. Sans doute pas. Les annonceurs sans relation aucune avec nos sujets ? Difficile quand on connait le risque d’évolution des super-structures dans les fluctuations capitalistiques. Par le biais du lectorat uniquement ? Évidemment la voie la plus noble mais on l’a vu, parfois prise dans l’inextricable croisement de faisceaux des intérêts individuels. S’adjoindre un avis extérieur pour s’éviter toute situation embarrassante, toute suspicion de collusion serait, indéniablement, la démarche la plus sûre quand on ne parvient pas à prendre suffisamment de recul de soi-même. Car quand le péché est démasqué chez celui-là même qui le condamne, c’est toute notre profession qui en pâtit. Une dernière chose, je n’agis ni ne parle en adéquation avec un quelconque courant de pensée préexistant. Le jeu vidéo est ma passion, je le côtoie depuis 1985 et je vois en lui de nombreuses qualités. Je souhaite simplement qu’il soit enfin considéré avec sérieux et justesse afin de pouvoir être partagé avec le plus large des publics, sans idées reçues, ni discours utopistes.

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